Lycee Pontarcher

Marie Desplechin au lycée !


Ce jeudi 14 mars fut un temps fort dans la vie du CDI. En effet, l’autrice et scénariste Marie Desplechin est venue à la rencontre des élèves de 3 classes de Première (1BPR1, 1MCVA, 1MAMCVB). Objectif : échanger autour de son œuvre et en particulier sur le film La Traversée, vu dans le cadre du dispositif « Lycéens et apprentis au cinéma » auquel participent cette année 9 classes de l’établissement, soit près de 150 élèves.

Cette rencontre, qui n’aurait pu avoir lieu sans la belle proposition de Marc Frelin, coordinateur du dispositif Lycéens et apprentis au cinéma en Bourgogne-Franche-Comté pour l’Académie de Besançon, financé par le Conseil régional et la DRAC, a été riche en émotions grâce à la générosité, l’attention et le franc-parler de Marie Desplechin. L’écrivaine s’est montrée très heureuse d’échanger avec un public qu’elle connait bien. En effet, nombre de ses ouvrages (en partie disponibles au CDI) sont destinés à la jeunesse et traitent de la jeunesse !

Bien qu’arrivés en tenue professionnelle, s’extrayant pour une heure de la préparation du cocktail déjeunatoire prévu le lendemain à l’occasion des 50 ans du lycée, les élèves de cuisine et de service ont pu les premiers profiter de la présence de Marie Desplechin.

Pour commencer… une fin qui interroge

A l’image de Tya (1BPR1) et de Nina (1MCVA), dans les 3 classes, les élèves ont d’emblée interrogé le parti pris scénaristique de la fin de La Traversée. Ce long-métrage réalisé en peinture animée a beaucoup plu, mais nombreux auraient rêvé d’un happy-end plutôt que de cette fin semi-ouverte. Mais « les personnages arrivent là où ils devaient aller » a retorqué Marie Desplechin. Accompagner les personnages au-delà de leur Traversée (d’un continent, mais aussi de l’adolescence) aurait été une nouvelle histoire a-t-elle expliqué. Il s’agissait en effet de narrer avant tout le voyage de Kyona et d’Adriel, jeunes adolescents, sœur et frère, contraints de quitter leur pays par un régime totalitaire… Et puis conjointement avec la réalisatrice Florence Miailhe « on a décidé de ne pas leur faire retrouver leur famille pour être au plus près de la réalité tragique des migrations » a précisé Marie Desplechin.

Un récit singulier mais universel

A Anaïs (1MCVA) qui aurait voulu un amoureux pour Kyona, il est répliqué que, loin d’être un film « bisounours », « on a fait une histoire où les héros s’en sortent, mais on voulait aussi montrer à quel prix. C’était horrible de tuer Erdewan, mis c’était important car, dans les migrations, les gens meurent ».

Kelly (1MCVA) s’est alors interrogée sur la part de vérité et d’imagination dans le film : « tout est vrai et tout est imaginé ! » précise Marie. En effet, en partant du vécu familial de la réalisatrice Florence Miailhe, « on a voulu faire un film qui ne soit pas limité à une communauté ».

De multiples références

Arthur (1MCVA) a bien repéré également les références à l’univers des contes dans le film. Marie explique qu’en effet « les contes disent des vérités cachées », mais que bien qu’en recherche d’universalité (époques, pays et prénoms des personnages d’origines peu identifiables…), ce récit est fort documenté comme l’a remarqué Imane (1MA) à propos du commerce des enfants évoqué dans le film (cf : les enfants des rues, les adoptions internationales et la disparition de milliers d’enfants chaque année, mais aussi la réalité historique des grandes migrations, et du vécu intime de l’exil avec Histoire d’une vie d’Aharon Appelfeld…).

« Ce film raconte l’histoire de la Terre, depuis que les gens bougent. Cette histoire-là, n’arrête pas d’être vécue et revécue ». Ce film se veut donc universel « pour que chacun puisse se projeter avec son émotion et son imagination » explique Marie. Nicolas (1MCVB) confirme : « Ce film peut faire changer notre avis sur la migration et les migrants ».

Un parcours riche

Tout au long de cet échange, les élèves ont découvert comment Marie Desplechin a trouvé le chemin et le goût de la lecture et de l’écriture très jeune, son plaisir à travailler parfois à quatre mains, mais également seule dans sa cuisine. Sont évoqués sa rencontre et son travail avec la championne de boxe Aya Cissoko dans l’écriture du livre Danbé, dont les élèves ont étudié l’incipit avec intérêt. Sa manière de travailler avec Florence Miailhe qu’elle connait depuis 30 ans, son goût pour l’imagination mais aussi l’importance de la documentation pour être au plus juste et au plus près d’une certaine vérité. Tout en sachant que dans un livre, finalement, « le lecteur fabrique et réinvente le récit », « c’est lui qui met les images sur les propositions de l’auteur ».

Tout au long de ces 3 heures d’échanges, les élèves des 3 classes ont pu aussi découvrir le parcours et l’histoire de la réalisatrice Florence Miailhe ainsi que son travail artistique consistant à animer sa peinture et à penser son récit en couleur. Tout en consultant le storyboard, Tya explique qu’elle a plus été touchée par ce long métrage animé que s’il s’était agi d’un film classique. Marie confirme : « oui, ainsi, tu peux te projeter davantage ».

Un projet de longue haleine

Cela dit, même si le budget du film ne s’est élevé qu’à 4 millions d’euros, il n’a pas été facile de trouver les financements et ce fut une longue aventure de 14 ans pour le produire enfin. Chaque seconde d’animation nécessite 24 images, et chaque minute d’animation coûte des milliers d’euros… Il a fallu 15 animatrices et une grande équipe de production à cheval sur trois pays et beaucoup de patience pour réaliser ce bijou qui finalement est un film dont « on ne sait pas très bien s’il s’adresse aux enfants ou aux adultes ». En effet, poésie et violence y cohabitent : « on a inventé un truc qui n’est pas réel et en même temps super réel » a expliqué à Lauréana (1BR1) Marie Desplechin qui adore fabriquer : « tout ce qui est fabrication me surexcite ».

Enthousiasme partagé !

Cette rencontre a finalement été très stimulante pour tous, élèves et enseignantes ! Marie Desplechin abordant sans tabou tous les sujets, y compris celui de la rémunération de ses divers projets (littéraires, journalistiques ou cinématographiques), et encourageant les élèves à être créatifs, même sans savoir toujours dans quelle direction s’orienter. « La création, c’est finalement la somme de toutes les tentatives », « C’est aussi 5% d’inspiration et 95% de transpiration ». Et si avoir l’inspiration n’est pas difficile, c’est choisir, sélectionner qui l’est … Certes, il y a une grande part de chance dans les professions artistiques, mais « la chance, dans la vie, elle passe plusieurs fois devant vous : il faut la saisir ! ». En tout cas, Marie Desplechin, par son enthousiasme et sa vitalité, par sa disponibilité, son goût du partage et ses engagements, nous a apporté une belle bouffée d’oxygène et d’énergie. Nous la remercions chaleureusement !

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