Lycee Pontarcher

Jeunes en librairie : chapitre 1 !


Ce lundi 29 avril au CDI, la classe de 1MCVA a rencontré Thierry Morer, libraire de Mine de Rien, librairie bisontine spécialisée en bandes dessinées. Cet échange se déroulait dans le cadre du dispositif académique « Jeunes en librairie » auquel les a inscrits Madame Benincasa, leur professeur de Français et Madame Dupré, professeur documentaliste.

Ce dispositif, initié par la Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté – DRAC, est coordonné par l’Agence Livre & Lecture Bourgogne-Franche-Comté, avec l’appui de l’Éducation nationale, et la participation du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.

Cette rencontre a permis aux élèves de découvrir les spécificités du métier de libraire indépendant en découvrant le riche parcours de Thierry Morer, passionné par son métier qu’il a généreusement évoqué avec nos élèves, mais aussi toute l’économie du livre, la gestion du fonds et de l’entreprise qu’est une librairie. Des notions particulièrement intéressantes pour nos élèves en métiers du commerce et de la vente.

Éléments de contexte

En France, il se vend 50 millions de BD par an ! Environ 120 à 130 bandes dessinées sortent par semaine… Sachant que le fonds de la librairie est d’environs 7000 ouvrages (la librairie fait 50 m2), la première mission d’un libraire indépendant est de faire des choix ! Et ce, contrairement aux libraires franchisés (FNAC, Cultura, Centre culturel du Leclerc…) qui réceptionnent les commandes groupées négociées par la maison mère auprès des éditeurs.  Ces gros contrats leur permettent de négocier les prix, ce que ne peut faire le libraire indépendant qui vendra pourtant au même prix ses ouvrages en raison de la Loi Lang de 1981 (prix unique du livre quelque soit la surface de vente).

Sur le prix d’un livre, c’est quand même au libraire que revient la part la plus importante (environ 30 à 40% contre 8% en moyenne pour l’auteur…). Cela dit, parmi tous les commerces (vêtements, aliments…), il s’agit de la plus petite marge existante.

Découvrez ci-dessous l’échange entre les élèves et Thierry Morer !

Kelly : Comment choisissez-vous vos livres ?

Thierry Morer : Je travaille avec 13 représentants qui ont 13 catalogues de diffuseurs différents. Chaque diffuseur distribue plusieurs éditeurs (par exemple, MDS diffuse Dargaud, Le Lombart, Kana, Dupuis…). Ils me présentent des livres qui vont sortir dans les 3 mois. Là, il faut avoir du flair pour bien choisir les titres et la quantité à commander en fonction de son public et de son fonds existant.  Il est impossible de prendre les 120 nouveautés de la semaine pour une question  de place. Il faut donc bien connaître les mouvements du fonds en fonction des ventes précédentes.

Parfois, on se plante. J’ai pris 100 exemplaires du dernier Larcenet (La Route, 28 €) et j’en ai vendu 70 en 2 jours ! Et cet ouvrage tiré à 65000 exemplaires a été en rupture de stock dès la semaine de sa sortie au plan national…  Cela dit, la moyenne nationale de vente d’une BD est plutôt de 3000 exemplaires et on a souvent des invendus qu’on peut renvoyer aux  éditeurs qui nous font alors un remboursement sous forme d’avoir sur la commande suivante. Il faut savoir que lorsqu’on achète une BD, elle est accompagnée d’une facture à payer dans les 2 mois, BD qui n’est malheureusement pas toujours  vendue dans ce délai. Parfois, on vend le livre 8 mois après l’avoir payé ! Mais il y a assez peu de prise de risque cela dit : nous somme le seul magasin où il est possible de retourner un article au fournisseur.

Melvin :  Combien de livres vendez-vous par semaine ?

Thierry Morer : Je dirais environ 300 bandes dessinées par semaine, sachant que le meilleur jour de vente est le samedi avec  70 tickets en moyenne.

Maxence : Quel est le panier moyen de vos clients ?

Thierry Morer : Le panier moyen est d’environ 40€

Dorian : Quels genres de livres vendez-vous ? Des livres culturels ?

TM : Le livre c’est la culture ! Je vends des BD et mangas plutôt intellectuels. Savez-vous que le livre le plus vendu en France l’année dernière était une BD documentaire ? Il s’agissait de la bande dessinée Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici, Christophe Blain.

Nina : Quelle est votre clientèle-type ?

TM : Elle est assez peu de votre génération, il faut bien le reconnaître. Je vois surtout des plus jeunes avec leurs parents, ou alors des plus âgés, à partir de 25-30 ans. Ce sont des clients fidèles, qui viennent parfois 2 ou 3 fois par semaine. Ils sont plutôt sympas : ce sont des gens intéressés et intéressants. Certains sont devenus presque des amis ; un rapport de confiance s’instaure. Les gens disent « Je vais chez mon libraire » comme on dirait « chez mon boucher » : c’est un commerce de proximité. Mon métier, c’est de donner envie de revenir, de fidéliser. Le personnage le plus important dans la librairie, ce n’est pas l’auteur, c’est le client ! S’il ne vient pas, on ferme. D’où l’importance de connaître sa clientèle et d’adapter son offre tout en ayant toujours un stock disponible.

Dorian : Pourquoi vous être implanté au centre de Besançon ?

TM : Parce qu’il y a plus de clients qui me correspondent en centre ville qu’en zone commerciale. Ma clientèle est assez cérébrale (Télérama, Fance inter…), elle lit plus de BD réfléchies que purement récréatives. J’organise pour elle des rencontres d’auteurs, pour des séances d’échange et de dédicace. Ce sont des moments importants qui s’organisent finalement assez facilement auprès des éditeurs.

Sam : Avez-vous des projets pour le futur ?

TM : Mon projet, c’est de tenir le plus longtemps possible.  Je n’ai aucune envie ni d’augmenter ma surface de vente, ni d’ouvrir une autre boutique en plus. Je n’ai pas d’ambition d’homme d’affaire, j’aime être dans la boutique, au contact. Je passe 50 heures par semaine dans la librairie. Etre libraire, c’est être un passeur. C’est aussi un métier très chronophage car il faut gérer un budget (charges nombreuses : loyer, factures d’électricité, des transporteurs, salaires de l’employé à temps partiel…), et le soir, il faut encore lire des BD pour bien connaître son fonds et pouvoir conseiller les clients.

Kelly : Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser en BD ?

TM : Un peu par hasard. Etudiant, j’ai fait un remplacement l’été à Forum. Je suis passé par un peu tous les rayons, mais je suis resté ensuite 6 mois dans le rayon BD pour remplacer un congé maternité. Ensuite, j’ai travaillé en tant qu’employé environ 12 à 13 ans dans différentes librairie, toujours dans ce rayon.

Nina : Avez-vous fait des études pour faire ce métier ?

TM : J’ai fait des études  d’Histoire, j’ai un DEA et j’envisageais d’être enseignant. Je n’ai pas suivi de formation spécifique aux métiers du livre, mais j’ai appris sur le tas pendant ce remplacement d’été qui a finalement duré.

Sam : Avez-vous une bande dessinée coup de cœur ? 

TM : En ce moment il y a une BD que je trouve très belle qui s’intitule Le Murmure de la mer d’Hippolyte et qui évoque l’expérience de l’auteur qui a embarqué sur l’Ocean Viking,  navire de sauvetage qui porte secours  aux migrants en Méditerranée. Contrairement au roman, une BD,  on sait souvent très vite si elle va nous plaire en la feuilletant, par son aspect graphique. Lire, c’est ce qui anime mon boulot, mais j’en lis peut-être 300 par an alors qu’il en sort 5000 ! Mais ainsi, je peux conseiller la clientèle qui ne sait pas toujours quoi acheter ou offrir.

Aélia : Est-ce qu’il y a une BD que vous avez toujours dans votre fonds ?

TM : Oui, il s’agit de Ibicus de Rabaté d’après le roman d’Alexis Tolstoï. Le dessin est à priori hyper moche, mais l’histoire passionnante. J’ai découvert cette BD pendant mon remplacement en tant qu’étudiant. J’ai réussi à en vendre 70 à l’époque. C’est pour moi une BD culte !

Maxence : Vu que votre librairie existe depuis plus de 10 ans, comment avez-vous traversé le covid ?

TM : comme partout, le covid a été un coup de massue avec une fermeture du jour au lendemain, et des commandes sur les bras. Heureusement, les éditeurs ont joué le jeu en suspendant toutes les factures. Tout a été gelé jusqu’à la réouverture où on a fait un chiffre d’affaire spectaculaire tant les gens étaient contents de revenir en librairie. Paradoxalement, le covid a fait du bien aux libraires.

Nina : Et actuellement, ressentez-vous l’impact de l’inflation ?

TM : le prix du livre a beaucoup augmenté ces derniers mois et le pouvoir d’achat est à la baisse. Donc, oui, on sent que les gens se restreignent un peu. Le chiffre d’affaire (environ 400 000 €, ce qui est très bien pour ma petite structure) aurait tendance à baisser un peu. Il faut ajuster le stock en conséquence. Et surtout, rester un passeur pour notre clientèle.

Nous aurons le plaisir d’aller à la découverte de la librairie bisontine le jeudi  23 mai, où chaque élève pourra utiliser son bon d’achat de 25€ offert par la DRAEAC que nous remercions ! Nous remercions également Thierry Morer pour sa disponibilité et son accueil !

Pour découvrir le dispositif : https://www.livre-bourgognefranchecomte.fr/jeunes-en-librairie

Un échange éclairant sur le fonctionnement d’une librairie et le métier de libraire